Après la dernière glaciation, les sédiments les plus
fins plaqués sur les bords de la vallée par les glaces se sont accumulés
sur les replats, créant les zones fertiles cultivées par les hommes.
Les endroits pentus où la roche-mère émerge sont laissés à la forêt,
ainsi le cœur de la Zau Zoura n’est que pierriers, rochers et
innombrables petites falaises. Sur cet environnement hostile, minéral et souvent très sec naissent les forêts de montagne, qui hébergent un écosystème varié et fournissent le bois indispensable aux hommes.
On appelle amphibolite la roche qui
affleure ici. On la rencontre dans toute la forêt avec le gneiss, une
autre roche métamorphique très dure. Dans la moindre fissure de ce
substrat, sur la moindre zone peu pentue, des espèces s’installent ne
laissant que les faces verticales à la roche ou aux lichens.
Au printemps, la spectaculaire floraison de la primevère hérissée (Primula hirsuta)
dévoile les places qu’elle occupe discrètement le reste de l’année. On
ne la reconnaît alors qu’aux feuilles collantes qui garnissent les
fissures des rochers. Les racines de la réglisse sauvage (Polypodium vulgare)
s'immiscent également dans les petites anfractuosités. On préfère la
cueillir quand elle pousse dans une mousse abondante, où ses rhizomes
consommables se développent mieux.
Même si les trois résineux de nos forêts s’adaptent bien aux terrains difficiles, c’est le pin d’aroles (Pinus cembra)
qui prospère dans les milieux les plus improbables. Ses graines
comestibles ressemblent à de petites noisettes, les montagnards en sont
friands, comme les écureuils (Sciurus vulgaris) et les casse-noix mouchetés (Nucifraga caryocatactes).
Ces animaux constituent des réserves pour l’hiver, de préférence dans
des cachettes difficiles d’accès et rapidement dégarnies de neige. Ils
utilisent également les fissures des pierres comme étaux pour coincer
les cônes qu’ils décortiquent. De leurs oublis naissent de jeunes aroles,
parfois à flanc de paroi. Ce résineux, favorisé en début de croissance
par la réserve constituée dans la fève, croît lentement et nécessite peu
de lumière. Il a le temps d’attendre qu’une racine rencontre un
substrat plus riche, pour enfin prospérer.
Les racines traçantes des conifères stabilisent le terrain en l'enserrant dans une cotte de mailles de bois. Les troncs arrêtent ou ralentissent les pierres qui parviennent à s’échapper. Dans une moindre mesure, l’action des racines combinée au gel-dégel disloque les rochers. On distingue des zones plus claires, des roches récemment dégagées, et des pierriers au pied des parois.
Texte : Manu Zufferey, accompagnateur en montagne